top of page
Rechercher
ShakeUp Formations

La prise en charge des facteurs sociaux dans la lombalgie...

Dernière mise à jour : 10 sept. 2021



Nous allons décortiqué cet article "Effet de l'environnement de travail, de la famille et de l'influence culturelle dans la lombalgie : quelles opportunités existe-t- il pour intervenir sur les facteurs sociaux dans une consultation classique ?"

(William S. Shaw, Paul Campbell, Candace C. Nelson, Chris J. Main, Steven J. Linton,

Effects of workplace, family and cultural influences on low back pain: What opportunities exist to address social factors in general consultations?,

Best Practice & Research Clinical Rheumatology,Volume 27, Issue 5,2013,Pages 637-648, https://doi.org/10.1016/j.berh.2013.09.012.)


- La prévalence élevée de la lombalgie en a fait l'un des problèmes de santé les plus invalidants et les plus coûteux du monde moderne.

Il existe de nombreuses options de traitement (pharmacologiques, chirurgicaux, physiques, psychologiques) dont il est difficile de mesurer l’efficacité de façon certaine.

Si des efforts importants sont faits pour améliorer la prise en charge psychologique, l’intégration des aspects sociaux dans la pratique clinique reste complexe.

Les facteurs sociaux sont définis comme les éléments et circonstances externes qui influencent et contrôlent les comportements de l'individu ou ses attitudes en lien avec la douleur.



Les désavantages sociaux : revenus, éducation, statut migratoire, accès aux soins, ressources de la communauté, barrière de la langue, littératie. Ce sont ces facteurs qui peuvent être classée dans les « drapeaux blancs » c.a.d socio-culturels et anthropologiques (Winkelmann C, Schreiber TU. Using ’White Flags’ to categorize socio-cultural aspects in chronic pain. Eur J Public Health. 2019;29(ckz186.196). doi:10.1093/eurpub/ckz186.196). Ils sont non modifiables, mais connaître leur existence peut nous aider lorsque nous faisons des recommandations sur le mode de vie ou peut nous aider à mieux comprendre les difficultés du patient ou les freins à la thérapie.

Les études sur leur importance donnent des résultats variables, mais c'est peut être parce que certains facteurs sont pertinents dans certains contextes/populations et pas dans d’autres.


Les facteurs sociaux au travail : le support du supérieur hiérarchique, le support des collègues, les modifications du poste, le support organisationnel, le stress lié au travail et le burnout.

La lombalgie est une des causes d'arrêt maladie les plus fréquentes, engendrant des coûts élevés : c'est donc un aspect qui a été plutôt étudié. Si le support social apporté par la hiérarchie et les collègues ne semblent pas avoir d'effet sur l'incidence de la lombalgie, on a des preuves en faveurs d'une amélioration du pronostic, en particulier si on adopte une vision large, en incluant la possibilité d'adapter le poste à l'état du salarié et autres support organisationnels.

En pratique clinique, les auteurs proposent d'utiliser les drapeaux noirs et bleus pour dépister ces facteurs.


Drapeaux bleus (perceptions de l'employé en matière de retour au travail) :

Peur de se blesser à nouveau

Faibles attentes en matière de reprise du travail

Faible satisfaction au travail

Faible soutien social ou dysfonctionnement social sur le lieu de travail

Perception d'une forte demande de travail / stress


Drapeaux noirs (caractéristiques du travail et les conditions d’emploi) :

Incompréhensions et désaccords entre les acteurs clés (employé, employeur, pro de santé)

Problèmes financiers / rémunération

Retards dans le traitement des dossiers (erreurs administratives, listes d’attente, réclamations)

Conjoint ou membre de la famille avec des attentes, des peurs ou des croyances négatives.

Isolement social, dysfonctionnement social

Politiques/procédures indésirables utilisées par l'entreprise



Les facteurs sociaux dans l'environnement clinique : l'empathie du clinicien, la réassurance du clinicien, les discussions sur le mode de vie, prise en compte des préférences des patients, évaluation de l'humeur du patient.

Les interventions thérapeutiques semblent avoir peu d'effet dans les premières semaines, la réassurance et la communication sont d'autant plus importantes et peuvent être un facteurs de récupération. Les entretiens doivent être individualisés, avec plus d'attention donnée au mode de vie et aux problèmes liés au travail. Sachant que même des patients avec une détresse importante auront du mal à aborder ces sujets spontanément, des efforts délibérés doivent être réalisés pour compléter l'examen physique.


Les facteurs sociaux à la maison : soutien du conjoint, conflits familiaux ; changements de rôles au sein de la famille, proche à charge, accidents de vie majeurs.

La relation entre vie de famille et lombalgie est sûrement réciproque : les changements de rôles, le stress rapporté à la famille peuvent aussi avoir un effet sur le couple/la famille. Il y a des preuves que la lombalgie impacte négativement la satisfaction dans le couple, les émotions du partenaire et la qualité de la relation, mais également que le soutien du conjoint est bénéfique sur le coping et la fonction du patient. Une partie de la recherche s'est intéressée au conditionnement opérant (rappelez-vous l'étude sur la validation!) et la communication dans le couple. Les auteurs suggèrent que les conseils des praticiens pourraient éviter/réduire les effets négatifs d'une trop grande validation.

Des revues systématiques récentes montrent un effet négatif de l'isolation sociale.



Comment mettre en application ces notions :


Pour que les facteurs sociaux soient davantage considérés dans l'évaluation et le traitement de la lombalgie, les modèles de soins conventionnels nécessitent :


1- une meilleure intégration des approches psychosociales`

Souvent l'éventail actuel des traitements biomédicaux de la lombalgie non spécifique n'offre qu'un faible soulagement de la douleur, et certaines interventions s'accompagnent d'un risque d'effets secondaires. Les interventions psychologiques constituent une alternative, qui offre moins d'effets secondaires mais leur adoption et leur disponibilité dans les milieux médicaux est très variable.

Outre l'offre de services de psychothérapie aux patients, une autre option consiste à mettre en place la « pratique éclairée par la psychologie » dans les consultations. Si l'objectif principal est de modifier les comportements problèmes, de questionner les "croyances dysfonctionnelles" liées à la douleur et d'augmenter l'activité physique, ces traitements offrent également la possibilité d'aborder les facteurs sociaux qui influencent la douleur et la récupération fonctionnelle.

Une formation à la technique de résolution de problèmes peut également être utile pour surmonter les obstacles au travail et à la maison.

Ces stratégies cognitives et comportementales sont appropriées pour relever les défis sociaux et promouvoir le changement de comportement.


2 - une meilleure communication interprofessionnelle

Les approches de la gestion médicale qui s'appuient exclusivement sur des catégories de diagnostic, des codes de classification des blessures et des évaluations de la gravité des symptômes peuvent échouer à évaluer la nature subjective, l'évolution variable et les influences sociales de la lombalgie.

Une façon de surmonter ce problème est de développer une communication plus ouverte entre les parties prenantes du système de gestion des soins. Plutôt que de prescrire davantage de diagnostics, de pharmacothérapies et de traitements physiques, une meilleure communication entre le monde de la santé et celui du travail serait pertinent. Des efforts d'adaptation du poste de travail, des entretiens plus détaillés avec les patients et la rencontre plus fréquente des travailleurs sociaux (assistante sociale, médecin du travail) pourrait aussi améliorer la situation.


3- une approche plus centrée sur le patient.

Lorsque des désaccords surviennent entre le travailleur, son employeur ou son assureur au sujet des perspectives de retour au travail, le système médico-légal s'appuie sur les données médicales pour fournir un traitement et des prestations justes et équitables. Alors qu'un marqueur purement objectif de la sévérité de la lombalgie serait l'idéal dans ces situations, les études d'imagerie et les tests physiques n'ont pas été en mesure de saisir la subjectivité de l'expérience douloureuse. Les évaluations fonctionnelles de la capacité de travail sont souvent inséparables des problèmes individuels d'adaptation, d'affect, de style de travail et de soutien social et organisationnel.

Ainsi, la prise de décision en matière de traitement et la planification du retour au travail doit tenir compte du point de vue personnel du patient, en plus des résultats physiques. L'utilisation de stratégies d'entretien plus centrées sur le patient pourrait aider à identifier et à traiter les facteurs sociaux.


4- un dépistage psychosocial précoce.

Parmi les recommandations pour le traitement de la lombalgie aiguë la « réassurance » du patient est primordiale. L’ orientation vers un spécialiste (physiothérapie, orientation orthopédique, imageries) n'est généralement proposée qu’en phase sub-aigue. Cela laisse une période d'observation et d'attente dans les premières semaines après la consultation pour lombalgie qui peut représenter une occasion manquée pour les personnes qui signalent un niveau élevé de détresse psychologique, des perturbations familiales et un environnement de travail peu favorable. En effet, il a été démontré que les délais d'intervention peuvent être aussi importants que le type d'intervention proposé pour faciliter la réadaptation.

Plusieurs semaines de douleur et d'absence du travail peuvent contribuer à l'isolement social, au désengagement du travail et à la réduction des activités sociales. En fait, les facteurs psychosociaux qui conduisent à la transition vers la douleur chronique sont visibles dans les premiers jours… Bien qu'il ait été démontré que le dépistage psychosocial associé à des options de traitement adaptées améliorait les résultats et augmentait le rapport coût-efficacité du traitement de la lombalgie, la plupart des mesures de dépistage se concentrent sur les croyances dysfonctionnelles en matière de douleur et pas suffisamment sur les circonstances sociales ou organisationnelles. L'évaluation psychosociale précoce pourrait être élargie pour inclure un petit nombre de facteurs clés de l'organisation et du soutien à domicile, tels que le soutien du conjoint ou les conflits familiaux.


En conclusion, il existe des preuves de l'importance de certains facteurs sociaux dans le pronostic de la lombalgie, en particulier le soutien des collègues, le soutien organisationnel de l'employeur, le soutien du conjoint, les conflits familiaux et le désavantage social.

Il semble difficile d'identifier et de prendre en charge ces questions dans le cadre des soins cliniques compte tenu des paradigmes traditionnels.

Des soins adaptés à chaque patient, l’éducation des patients et la coordination des services sociaux exige du temps et des efforts supplémentaires de la part des prestataires (système de santé, politiques, soignants). Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer le rapport coût-efficacité des efforts accrus de résolution des problèmes sociaux.

Enfin la possibilité de rencontrer d'autres patients et de recevoir un support de pairs semble avoir fait ses preuves sous diverses formes (présentielle, en ligne etc...). En revanche, on manque de preuve sur un support en ligne type (par mail, site web…).

Notre conclusion sur cet article :

- Identifier Les facteurs sociaux peut nous aider à orienter les patients vers les travailleurs sociaux... c'est un gain de chance important pour eux.

- Identifier ces facteurs permet également de déculpabiliser le patient sur sa situation : "je comprends que dans ces circonstances la reprise du travail ne soit pas envisageable"

- Identifier ces facteurs peut également (comme préciser dans le blog) expliquer des retards et des échecs dans la rééducation et donc EVITER les frustrations du thérapeute et du patient.

Cet article nous semble intéressant car il nous encourage "simplement" à avoir une pratique éclairée par la psychologie et basée sur l'écoute empathique.

Il n'y a pas de technique / traitement miracle car de nombreux facteurs sociaux sont non ou peu modifiables (surtout quand on n'est pas un travailleur social ! )


Peut-être devons nous nous méfier de notre volonté d'aider à tout prix les patients, au risque de générer beaucoup de frustration... #syndrômedusauveur

Annexe : Le score EPICES (Evaluation de la précarité et des inégalités de santé dans les Centres d’examens de santé) est un indicateur individuel de précarité qui prend en compte le caractère multidimensionnel de la précarité. Il peut-être un moyen fiable d’objectiver une problématique sociale :

https://www.nouvelle-aquitaine.ars.sante.fr/system/files/2019-02/ETP_07_02_2019_Score_EPICES.pdf


Annexe : Illustrations des problèmes sociaux possibles dans la prise en charge de la lombalgie en fonction des paradigmes de traitement de la lombalgie :


































750 vues0 commentaire

コメント


bottom of page